Depuis quelques temps, des grands projets de construction se livrent une compétition mondiale pour la mise en scène de végétalisation la plus outrancière. En tête de gondole de ces projets permettant de s’acheter des bons points de durabilité, le projet pharaonique The Line en Arabie Saoudite. Lorsque les travaux de ce dernier ont commencé il y a quelques mois, nous avons réalisé que ces bâtiments images, allégories d’un monde où le construit et la nature ne feraient plus qu’un seraient réellement construit. Pourtant, bien que le rêve vert soit beau, ces constructions cachent une autre réalité, plus grise.
A l’heure où l’urgence climatique et environnementale ne fait plus aucun doute, nous avons senti le besoin au sein du bureau de communiquer ce qui apparait en tant que praticien, ingénieur et architecte, comme évident : le coûts environnementaux de ce type de construction dépasse largement les maigres et éventuels bénéfices apportés par la végétalisation excessive.
Afin de faire la démonstration chiffrée de ce qui nous apparaissait comme un non-sens, nous avons évalué l’impact environnemental des conséquences constructives de la végétalisation du projet La Tour des Cèdres, en région Lausannoise, ayant pour ambition de planter des vrais et grands arbres sur les balcons d’une tour de grande hauteur.
La suite de l’article est un extrait d’un post Linkedin publié au mois d’août afin de présenter les conclusions de l’étude réalisé. Le rapport d’impact environnemental est téléchargeable en fin d’article.
Post Linkedin
Ce bâtiment est-il bon pour l’environnement ? 🌿
La réponse en chiffres ! 👇
A l’heure où les anomalies climatiques se multiplient et les forets brulent, des promesses émergent tout azimut pour mitiger les effets du dérèglement climatique. Dans le domaine de la construction, c’est l’architecture verte qui a le vent en poupe depuis quelques années.
C’est quoi l’architecture verte ? En caricaturant à peine, il serait possible de la résumer à la couverture des bâtiments de végétalisation, voir si possible d’arbres. 🌳 Résultat, les bâtiments gris deviennent verts, et le vert c’est bon pour l’environnement ! ✔️
A l’avant-garde de ce mouvement, l’architecte Stefano Boeri milite pour l’intégration de forêts en ville à l’aide de son manifeste « Urban Forestry » et son bâtiment Bosco Verticale à Milan. Le manifeste est sans appel : l’installation d’arbres sur les bâtiments permet de « nettoyer l’air pollué » et de « réduire drastiquement le CO2 ».
Convaincu ? 🤔
Au sein du bureau nous ne l’étions pas vraiment. La terre c’est lourd : la plupart des planchers ne sont pas dimensionnés pour en supporter plus de 10 cm… Planter des arbres sur les bâtiments s’oppose au rationalisme et à l’économie de moyens nécessaires pour construire de façon peu impactante.
Lorsque nous avons pris connaissance du projet la Tour des Cèdres en région Lausannoise, nous avons saisi cette opportunité pour nous lancer dans une analyse pour répondre aux questions suivantes :
👉 Quel est l’impact environnemental de la mise en place d’arbres sur ce projet ?
👉 Est-ce que cela vaut le coup en comparaison des bénéfices attendus ?
Méthodologie 🔍 :
– L’impact environnemental des constructions supplémentaires nécessaires pour l’installation d’arbres (béton, armature, isolation, etc.) sur les balcons du bâtiment a été évalué selon le cahier technique SIA 2032 par comparaison à une variante sans arbres (mais avec de larges balcons).
– Le nombre d’arbres nécessaires pour compenser l’impact environnemental afin de la comparer aux nombres d’arbres sur le bâtiment a été évalué.
Réponses :
👉 66% d’augmentation de l’énergie grise et des émissions de CO2 en comparaison à une structure porteuse plus sobre
👉 20’000 arbres sont nécessaires pour compenser le CO2 émis par la mise en place de 80 arbres sur le bâtiment (sur 60 ans)
👉 En gros, planter 1 arbre sur la tour équivaut à en supprimer 250 de la forêt… Pas top…
En communiquant sur ce projet nous n’allons pas nous faire que des amis, mais si nous voulons éviter une génération d’architecture prétendue verte 🌳 mais réellement grise 🏭, il nous faut dénoncer les mauvais exemples. 🖐️ Ceci dans le but de favoriser l’architecture réellement durable… et cela ne passera pas par la plantation d’arbres sur des balcons.
🙋♂️ PS : Les calculs étant basés sur des hypothèses, il ne faut retenir que les ordres de grandeurs.
Image : © Stefano Boeri Architetti